Krishnamurti
Il appréciait utiliser un foisonnement de mots et de monologues pour nous exhorter à cesser nos conversations superficielles et à nous connecter véritablement avec autrui.
Cependant, il excellait dans cette démarche.
Je me rappelle particulièrement d'une compilation de textes où, dans l'un d'eux, il soulignait que ce dont nous avions besoin n'était pas tant la concentration que l'attention. Puis, dans le suivant, il avançait que ce n'était pas l'attention, mais une observation dénuée de tout sujet. Plus tard encore, il précisait que ce n'était pas une simple observation, mais plutôt une concentration totale et pure sur l'univers.
Il utilisait les mots comme des pinceaux, démontrant leur caractère relatif et leur imperfection pour décrire ce que nous percevons.
Tout ce qu'il écrivait après la dissolution du temple débutait par une description minutieuse de l'environnement, de la personne, du contexte.
Son amour pour l'observation nous conduisait à nous interroger sur la possibilité que la rigidité intellectuelle, sur laquelle reposait notre savoir, ne soit qu'une projection.
J'ai véritablement saisi ce que Freud voulait exprimer en affirmant que tout était projection en comprenant ce que Krishnamurti nous mettait en lumière.
Nous ne contemplons pas un arbre tel qu'il est, mais l'idée que nous en avons dans notre esprit, que nous projetons sur l'arbre pour l'évaluer. À ce moment, nous vivons un faux sentiment de sérénité, admirant l'arbre comme s'il était le vrai.
Comme le soulignait Nietzsche, la moralité ne découle pas d'une source divine unique ; elle est plutôt une relativité morale en fonction de nos jugements esthétiques.
Peut-être que Krishnamurti aurait répondu en indiquant que pour percevoir la véritable beauté universelle, il faut justement cesser cette projection et regarder au-delà du bien et du mal.